Cupidon a un modèle de langage (et ça se voit)
Les applis de dating viennent de recruter un écuyer: l’IA. Officiellement, c'est pour “t’aider à démarrer la conversation”. Officieusement, elle te propose une personnalité en location, livrée en trois bullet points. Et là, question simple: quand tu séduis avec un copilote, c’est encore de la bravoure… ou juste du pilotage automatique?
La drague est fatiguée et les apps le savent
Le dating en 2025 ressemble souvent à un bal masqué où tout le monde a perdu son carton d’invitation. Beaucoup de likes, peu de phrases. Beaucoup de “Salut !”, peu de curiosité. Alors les plateformes font ce qu’elles savent faire: elles “optimisent le funnel”.
Et donc, Hinge a lancé Convo Starters, une feature qui te propose trois idées pour ouvrir une conversation à partir d’une photo ou d’un prompt. Sur le papier: plus de profondeur, moins de small talk, moins de paralysie du premier message.
Deux écoles: l’écuyer (Hinge) vs le “sidekick” (Grindr)
Hinge: l’IA te donne l’élan, pas la voix
Hinge vend Convo Starters comme une béquille de style, pas comme un ghostwriter. L’idée: te souffler une piste (“Demande son resto préféré”, “Partage ta recette”, etc.), puis te laisser écrire. C’est la version polie: l’IA comme écuyer, elle te tend la lance, elle ne va pas jouter à ta place.
Grindr: l’IA pour “level up your game”
De l’autre côté, Grindr parle de Wingman, un “sidekick” IA pour optimiser ton profil, repérer des matchs, et déclencher des conversations avec des “clever starters”. C’est assumé: l’IA n’est plus un accessoire, c’est un moteur. Et Grindr pousse même une stratégie “AI-first” dans une ambition plus large d’“everything app”.
Chevalerie 2025: l’honneur, c’est l’intention (pas le vernis)
Mon point de vue, très simple, un peu médiéval, impopulaire: tu n’as pas le droit de “tricher” sur ton intention.
- Si l’IA te débloque (timidité, anxiété, syndrome de la page blanche), très bien.
- Si l’IA te remplace, c’est autre chose. Parce que l’autre personne réagit à une voix, un rythme, un humour… qui ne sont pas les tiens.
Ce n’est pas une question de morale de curé. C’est une question de contrat social: tu proposes une présence, pas un packaging. Un chevalier sans signature, c’est une armure vide. Ça brille, mais ça ne répond pas quand on frappe à la visière.
Service: aider sans manipuler
La chevalerie, ce n’est pas “être gentil”. C’est servir. Donc l’IA peut être noble si elle sert la relation plutôt que la conversion.
Noble:
- te pousser à être spécifique (parler d’un détail, poser une vraie question),
- t’aider à formuler un refus propre (sans cruauté, sans ghosting),
- réduire le bruit, l’agressivité, le harcèlement.
Pas très noble:
- te donner des scripts “efficaces” calibrés pour obtenir une réponse,
- te transformer en distributeur automatique de charme,
- optimiser tes échanges comme un A/B test de copywriting.
La séduction n’est pas un tunnel de vente, même si certains profils font tout pour prouver le contraire.
Élégance: le courage minuscule de dire quelque chose de vrai
L’élégance, dans cette histoire, ce n’est pas la phrase parfaite. C’est le petit risque: dire un truc un peu personnel, un peu situé, un peu humain. L’IA peut te donner un tremplin, mais elle ne peut pas prendre le saut à ta place.
Et si tu veux vraiment transposer les codes chevaleresques, voilà le point clé: la bravoure n’est pas dans la punchline. Elle est dans la vulnérabilité maîtrisée.
Conclusion / La leçon: le Code du chevalier augmenté
On ne va pas faire semblant: l’IA dans le dating, c’est déjà là, et ça ne repartira pas. Donc voici un code simple, praticable, pas “LinkedIn spirituel”:
- L’IA inspire, elle ne ventriloque pas.
- Jamais de scripts. Si tu peux l’envoyer à dix personnes, c’est que tu n’as rien dit.
- Tu assumes l’effet de tes mots. Même “assistés”.
- Tu ne chasses pas. Tu rencontres. La différence, c’est le respect du rythme et du non.
- Ta signature compte plus que ta performance. Mieux vaut une phrase maladroite mais vraie qu’un message impeccable et creux.
Si Cupidon doit avoir une IA, qu’elle soit ton écuyer, pas ton porte-parole. Sinon, tu ne “dates” pas: tu déploies une feature. Et franchement, pour une histoire d’amour, c’est un peu triste.